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alain de benoist - Page 72

  • Les iconoclastes de Palmyre sont des barbares mais pas des idiots !...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la guerre menée par l'Etat islamique au Proche-Orient...

     

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    « Les iconoclastes de Palmyre sont assurément des barbares, pas des idiots »

    Dans le jeu éminemment complexe de Daech au Proche comme au Moyen-Orient, jusqu’où ces islamistes de combat peuvent-ils aller ? Mais pour commencer, cet « État islamiste » est-il vraiment un État ?

    Alors qu’Al-Qaïda était entièrement déterritorialisé, Daech s’est aujourd’hui implanté sur un territoire grand comme la Grande-Bretagne, qui s’étend de Ramadi en Irak jusqu’à l’est de la Syrie. Ce territoire, doté d’une capitale de fait, Raqqa, est divisé en sept provinces dotées d’une administration locale, de services publics, d’une police et de tribunaux. Si l’on définit un État comme un « organe doté d’un pouvoir souverain s’exerçant sur un territoire et une population » (Frédéric Rouvillois), force est de constater qu’un an après la proclamation du califat, Daech est bel et bien en passe d’en devenir un. Il en est même d’ailleurs à battre monnaie.

    L’État islamique représente cependant un phénomène jusqu’ici inédit. Bénéficiant du savoir stratégique de certains anciens chefs militaires irakiens de l’époque de Saddam Hussein, il a su jusqu’à présent recourir à la fois au terrorisme et aux méthodes de guerre conventionnelles. Il a attiré des dizaines de milliers de volontaires étrangers et s’est emparé des zones énergétiques du désert syrien. Fait également nouveau : au lieu de dissimuler ses crimes de guerre, il leur assure la plus grande publicité, tant pour séduire ses sympathisants que pour jeter l’effroi chez ses ennemis. Tout cela est parfaitement mis en scène et très bien calculé. Les iconoclastes de Palmyre sont assurément des barbares, pas des idiots.

    La criminelle intervention occidentale en Libye a livré ce pays aux milices islamistes et déstabilisé tous les pays voisins de la zone sahélo-saharienne. La Tunisie est une poudrière. L’Algérie, que la chute des cours du pétrole a privée des moyens d’acheter la paix sociale, est à l’image de son président : à l’agonie. Malgré la popularité du roi, le Maroc est en voie de déstabilisation. L’Égypte résiste, mais elle est aussi travaillée de l’intérieur ; financièrement, elle dépend en outre des monarchies du Golfe. Au Proche-Orient, nous assistons à un enterrement de première classe des accords Sykes-Picot de 1916, qui avaient divisé la région en États-nations aux frontières aberrantes. Ces États-nations sont en train de céder la place à un espace mésopotamien où les nouvelles frontières délimiteront des entités sunnites, chiites et kurdes. L’Irak a déjà disparu, la Syrie s’est désagrégée. Plus loin encore, l’influence de l’État islamique se manifeste au Pakistan comme dans le Caucase et sur la Volga. L’islamisme radical de type néo-wahhabite a donc pour l’instant le vent en poupe.

    Les puissances occidentales combattent l’État islamique avec des bombardements aériens dont chacun sait que l’efficacité est toute relative. N’y a-t-il pas moyen d’agir autrement ?

    Il faudrait sans doute aller au sol, mais personne ne s’y résout. Devrait-on le faire ? En règle générale, on l’a bien vu jusqu’ici, les interventions extérieures ne font qu’ajouter du chaos au chaos. La complexité de la situation et les divisions endémiques parmi les forces en présence compliquent encore les choses. La France veut s’attaquer à l’État islamique, mais sans favoriser Bachar el-Assad, qu’elle devrait pourtant considérer comme son allié objectif. Elle colle aux intérêts saoudiens et qataris, pour de pures raisons de clientélisme financier. Elle s’aligne totalement sur les positions américaines, en faisant même de la surenchère (comme dans le dossier syrien ou sur le projet de traité avec l’Iran). L’Arabie saoudite ne s’occupe que de sa guerre contre les rebelles houthis du Yémen, qui sont soutenus par l’Iran. Les États-Unis se demandent maintenant s’il ne faudrait pas soutenir le front Al-Nosra, c’est-à-dire Al-Qaïda, contre Daech. La Jordanie est un protectorat américano-israélien. Et Israël souhaite avant tout la chute d’el-Assad dans l’espoir d’affaiblir le Hezbollah.

    La Russie a proposé la constitution d’une coalition au sol comprenant des forces irakiennes, syriennes et irakiennes, ce que l’Arabie saoudite a immédiatement refusé – d’où la récente décision du Kremlin d’appuyer plus directement el-Assad pour l’organisation d’une zone de défense dans le réduit alaouite du littoral, avec les villes de Tarse et de Lattaquié (les six premiers avions de combat MiG-31 ont déjà atterri à Damas).

    Dans cette région du monde, les deux principales puissances, l’Iran et la Turquie, ont comme point commun de n’être pas arabes, même si la première est chiite et l’autre sunnite. Que peut-on en attendre ?

    L’Iran, qui est un interlocuteur incontournable dans cette affaire, d’autant plus qu’il n’a aucune volonté de conquête, est jusqu’à présent resté dans une certaine réserve. Il ne changera de position que si Daech franchit une ligne rouge, par exemple la prise de Damas ou, pis encore, la destruction des sanctuaires de l’imam Ali ibn Abi Talib et de son fils Hussein dans les villes de Nadjaf et Kerbala. La Turquie, quoique membre de l’OTAN, veut avant tout empêcher la formation d’un État kurde, et combat donc en priorité les Kurdes, qui sont pourtant ceux qui luttent contre Daech avec le plus d’efficacité en Syrie. Dans le même temps, elle ferme les yeux sur le passage, par son territoire, de djidahistes venus du monde entier pour rejoindre l’État islamique.

    Tout donne donc à penser que nous sommes engagés dans un conflit de très longue haleine, ce qui ne déplaît pas à tout le monde. Comme l’a rappelé récemment Richard Labévière, « la lutte contre le terrorisme génère des millions d’emplois dans les industries d’armement, de communication, etc. Le terrorisme est nécessaire à l’évolution du système capitaliste, qui se reconfigure en permanence en gérant la crise […] Daech n’est donc pas éradiqué, mais entretenu. ». Face à un monde arabo-musulman en état de décomposition, l’Europe a perdu la main parce qu’elle n’a plus de politique proche et moyen-orientale cohérente. La notion-clé est celle de gestion sans résolution.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 9 septembre 2015)

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  • Onfray en crimepenseur !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe , cueilli sur son site Huyghe.fr, qui démonte les mécanismes orwelliens à l’œuvre dans la polémique autour de Michel Onfray, entretenue par le système depuis les attaques de Manuel Valls contre le philosophe...

     

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    Onfray en crimepenseur

    L'affaire Onfray défraie la chronique depuis une semaine.
    Résumons
    Episode 1) Le philosophe déjà accusé par Manuel Valls de préférer une vérité dite par Alain de Benoist à une fausseté de BHL aggrave son cas en donnant une interview au Figaro où
    il fait remarquer que la photo du petit Aylan comme toute photo est "une idée" à qui sa légende donne son sens rhétorique et qu'à l'ère numérique tout peut être détourné (deux idées que d'autres ont exprimé des centaines de fois)
    il se plaint que "criminaliser la seule interrogation, c'est transformer en coupable quiconque se contenterait de la poser, ce qui paraît le bon sens même
    il dit que le peuple français est méprisé depuis la conversion socialiste à l'Europe libérale de 1983
    il en veut "moins à Marine Le Pen qu'à ceux qui la rendent possible" et avoue comprendre la souffrance des ceux - paysans en faillite, chômeurs, sur-diplomés sous-employés, retraités qui se demandent ce que l'on fait pour eux sans être pour autant xénophobes.

    Episode 2) Libération consacre six pages à crucifier Onfray autour du thème : "il fait le jeu du FN". Une exécution par Laurent Joffrin opérant en personne la fonction forensique (recherche des preuves du crime), la catéchèse (mise en garde et rappel des valeurs) et l'excommunication du philosophe, décrété renégat de la gauche, hérétique et dangereux.

    Episode 3) Depuis, la controverse continue avec la réponse de Onfray, les controverses que l'on imagine...
    Sans prétendre ajouter nos propres commentaires sur le déclin des intellectuels ou la liberté de penser, quelques remarques à la volée sur les techniques du nouveau maccarthysme.

    La criminalisation du sujet mélange de la compassion pour l'âme que l'on voit se perdre (on est attristé de son évolution, il fut des nôtres, il avait du talent), la mise en cause des facteurs d'époque (la zemmourisation, la ménardisation des esprits, l'environnement favorable au FN, le faible a cédé) mais aussi l'analyse de ses motivations obscures (un étrange "ressentiment", un simplisme "inquiétant", une "méchanceté brutale", de l'anathème, un règlement de comptes avec son ancienne famille). Moitié faible et conformiste, moitié pervers, en somme.
    Tout argument de Onfray est ramené au "complotisme" : si, à propos de la photo, il critique les versions officielles de conformité, des émotions et des discours dominants, n'est pas la même rhétorique que les obsédés de la conspiration ? S'il critique les médias, s'il croit que certaines questions ne peuvent être posées, s'il parle du peuple, ce qui sent déjà le populisme, s'il argue de sa souffrance et de la coupure des élites, n'est-il pas entré dans une paranoïa que l'on connaît bien ? Disant cela, Joffrin ne réalise pas ses propres contradictions. D'une part l'emploi de la catégorie vague de "conspirationniste" (toute personne qui attribue du pouvoir aux minorités qui contrôlent la politique, l'argent ou les médias, est-elle délirante ?) est elle-même passablement conspirationniste : tous ces gens ont un pouvoir incroyable (la preuve : Onfray peut s'exprimer dans le Figaro, de quoi se plaint-il ?), ils poursuivent un dessein commun de Le Pen à Onfray, de Finkelkraut à Riouffol, c'est bien connu. D'autre part, le chroniqueur en ricanant sur "les questions qu'il serait interdit de poser" ou la prétendue bien-pensance - il n'y a rien à voir, circulez -, et cela dans ce qui est presque un numéro spécial anti-Onfray qui équivaut à un permis de chasse médiatique, ne réalise pas qu'il lui donne raison : il y a bien une idéologie dominante. Elle n'a pas le monopole de l'expression (elle peut même être très différente de l'opinion dominante, ce qui n'a rien à voir) mais elle a le monopole des questions qui font débat et des termes dans lesquels elles sont autorisées. Si la critique hors clous ne peut être que le fait de délirants ou d'obsédés du bouc émissaire
    La dénégation pure et simple. Tout va bien : la photo n'est pas truquée, et la presse honnête, il n'y a aucun simplisme émotionnel (argument d'autorité : des experts, des représentants d'organisation, Merkel, Piketty, Habermas plaident pour l'accueil), la gauche de gouvernement où il y a encore des gens d'origine populaire comme Mauroy et Delors a fait tout son possible ou le moins mal possible, sans morgue ni mépris, on fait un maximum pour les Français, il n'y a pas de catégories abandonnées, ni de privilège, etc. Les agriculteurs ne sont pas abandonnés, En corollaire : l'argument ad consequentiam : si on écoutait Onfray, on finirait par ne plus soigner les sans-papiers et par donner raison au Front National. Bref, il n'y a pas d'alternative.
    Joffrin utilise une démarche que l'on aurait qualifiée de typiquement de droite il y a quelques années : ceux qui critiquent l'ordre global du monde - sans doute le moins mauvais possible, vu les circonstances - suivent un délire idéologique aveugle au réel et poursuivent des desseins obscurs. L'idée, par exemple, que les idéologies que nous professons puissent avoir le moindre rapport avec notre situation matérielle et nos intérêts réels, est totalement exclue.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 20 septembre 2015)

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  • Sexe(s) et genre(s) ?...

    Le numéro 41 de la revue Krisis, dirigée par Alain de Benoist, vient de paraître. Le thème retenu est celui du débat  autour du sexe et du genre... Avec ce numéro, la revue devrait prendre un rythme trimestrielle.

    Vous pouvez la commander sur le nouveau site de la revue Krisis ou sur le site de la revue Eléments.

    Bonne lecture !

     

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    Très à la mode outre-Atlantique depuis les années 1970, la question du genre s’est réellement invitée dans les débats hexagonaux à partir de 2013, lorsque Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des femmes, voulut mettre en place son fameux « ABCD de l’égalité ». Il s’agissait pour elle d’expérimenter dans les écoles un programme de lutte contre le sexisme et les stéréotypes de genre. L’idée générale était d’éduquer à l’égalité et au respect entre les filles et les garçons.

    Si personne ne songe évidemment à contester l’importance d’une meilleure entente entre les sexes, ou même d’une plus grande équité à l’égard des femmes, les critiques n’en ont pas moins rapidement fusé contre cette mesure ministérielle, y compris à gauche : Sylviane Agacinski et Michel Onfray, parmi beaucoup d’autres, se sont opposés à certains excès des « théories du genre ». La plupart des intellectuels qui critiquent ces théories acceptent tout à fait l’idée que nous suivons partiellement des codes de genre (masculins ou féminins), sous la pression du contexte socio-culturel dans lequel nous baignons. Mais cela n’implique pas que nous soyons hommes ou femmes par pur conditionnement social ; et la place de l’inné dans la prise en compte du phénomène humain devrait être au contraire réhabilitée.

    Le public français n’a découvert les études de genre qu’assez tard et continue d’en avoir une connaissance approximative. Même le monde universitaire s’est montré plutôt indifférent, en comparaison de la déferlante des « gender studies » anglo-saxonnes. Qu’elle que soit l’opinion portée sur ce champ disciplinaire, une telle méconnaissance reste dommageable, dans la mesure où l’on ne peut cautionner ou réfuter avec intelligence que ce que l’on comprend. Les textes proposés dans ce numéro de Krisis tentent donc d’aborder avec nuance ces différentes problématiques, qui méritent bien sûr d’être traitées d’une manière précise et honnête, loin des emportements partisans de toute sorte.

    Au sommaire de la revue :

    Maurice Godelier / De la différence entre le masculin et le féminin et entre l’homme et la femme.

    Nancy Huston / Hommes en désarroi.

    Alain de Benoist / Les femmes selon Raymond Abellio.

    Entretien avec Jean-Paul Mialet / Le déni des différences sexuelles et ses conséquences sociales.

    David L’Epée / La performance de genre : une parodie sans modèle.

    Yves Christen / Une guerre des sexes dans le cerveau.

    Jacques Balthazard / L’orientation sexuelle est aussi une affaire de biologie.

    Thibault Isabel / Le sexe exclut-il le genre ? Réflexion sur l’inné et l’acquis dans l’identité homosexuelle.

    Yves Ferroul / Femmes et sexualités dans le bassin méditerranéen.

    Entretien avec Agnès Giard / Le sexe au Japon.

    Thibault Isabel / Le problème de la séparation des sexes à travers l’histoire. Hommes et femmes doivent-ils être complémentaires ou semblables ?

    Michel Lhomme / L’androgyne.

    Le texte : Mircea Eliade / Dieu-le-Père, Terre-Mère et hiérogamie cosmique. (1957)

    Françoise Bonardel / La crise de l’identité culturelle européenne.

     

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  • Hommage à Emmanuel Ratier...

    Le directeur et principal rédacteur de la Lettre d'information Faits & Documents, Emmanuel Ratier, est décédé le 19 août dernier, à l'âge de 57 ans, alors qu'il faisait de la spéléologie. Ses amis ont publié, en son hommage, un numéro spécial de sa lettre, qui continuera à paraître.

    Un hommage public lui a également été rendu le 19 septembre, à Paris, devant plus de huit cents personnes.

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     " Un numéro de Faits et Documents, entièrement consacré à Emmanuel Ratier, a été réalisé sous la direction d’Arnaud Soyez (le directeur de la production de TV Libertés) .

    Il regroupe de textes d’amis proches d’Emmanuel Ratier ou de personnalités qui ont manifestés le désir de lui rendre un dernier hommage.

    Vous trouverez ci-après le sommaire.

    Vous pouvez vous en  procurer un exemplaire (8€) à la librairie Facta4 Rue de Clichy, 75009 Paris

    téléphone : 01 48 74 59 14 "

    Sommaire_Faits et documents_Emmanuel Ratier.jpg

     

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  • « Migrants : les interventions « humanitaires » ne font en général qu’aggraver les choses »...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la crise migratoire...

     

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    « Migrants : les interventions « humanitaires » ne font en général qu’aggraver les choses »

    La photo de cet enfant syrien échoué sur la plage serait-elle en passe de retourner les opinions européennes ? En notre époque de « storytelling », il s’agit apparemment de montrer que l’affaire des migrants est un « drame humain »

    Bien sûr que c’est un « drame humain ». Il faut avoir le cœur sec ou être aveuglé par la haine pour ne pas s’en rendre compte. Des musulmans menacés par l’islamisme djihadiste, des familles entières qui fuient un Proche-Orient déstabilisé par les politiques occidentales, c’est un « drame humain ». Mais c’est aussi une affaire politique, et même géopolitique. Il s’agit alors de savoir quels rapports doivent exister entre le politique et l’humanitaire. Or, l’expérience montre que les interventions « humanitaires » ne font en général qu’aggraver les choses. Et que la domination des catégories politiques par les catégories morales est l’une des causes majeures de l’impuissance des États.

    Le tsunami migratoire auquel nous sommes en train d’assister ne fait lui-même qu’ajouter au désastre. On a d’abord calculé en milliers de réfugiés, puis en dizaines de milliers, puis en centaines de milliers. Plus de 350.000 migrants ont franchi la Méditerranée ces derniers mois. L’Allemagne a accepté d’en recevoir 800.000, soit beaucoup plus qu’elle n’enregistre de naissances chaque année. On est loin de l’immigration interstitielle d’il y a trente ans ! Face à ce déferlement, les pays européens ne se demandent qu’une chose : « Comment les accueillir ? », jamais : « Comment les empêcher d’entrer ? » Laurent Fabius trouve même « scandaleuse » l’attitude des pays qui veulent fermer leurs frontières. En sera-t-il de même quand les entrées se compteront par millions ? Les politiques continueront-ils à se préoccuper des innombrables « drames humains » qui se produisent dans le monde plus que du bien commun de leurs concitoyens ? Toute la question est là.

    Au-delà de l’émotion déclenchée par le « choc des photos », quels sont les arguments employés par ceux qui veulent nous convaincre du bien-fondé des migrations ?

    Ils se déploient sur deux registres : les arguments moraux (« ce sont nos frères, nous avons une obligation morale envers eux ») et les arguments économiques (William Lacy Swing, directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations : « Les migrations sont nécessaires si l’on veut que l’économie prospère. »). Les premiers, qui confondent la morale personnelle et privée avec la morale politique et publique, relèvent du même universalisme que les seconds. Ceux qui les emploient pensent qu’avant d’être des Français, des Allemands, des Syriens ou des Chinois, les individus sont d’abord des « êtres humains », c’est-à-dire qu’ils appartiennent de façon immédiate à l’humanité, alors qu’ils n’y appartiennent en réalité que de façon médiate, en tant que membres et héritiers d’une culture donnée. Pour eux, le monde est peuplé de « personnes » abstraites, hors-sol, dont la principale caractéristique est d’être interchangeables. Quant aux cultures, ils n’y voient que des épiphénomènes. C’est ce que disait Jacques Attali à la revue Cadmos en 1981 : « Pour moi, la culture européenne n’existe pas, elle n’a jamais existé. »

    Le département des affaires économiques et sociales des Nations unies vient de publier un rapport selon lequel, dans les pays européens, la baisse de la natalité fait que « le déclin de la population est inévitable en l’absence de migration de remplacement ». Il y est indiqué que « pour l’Europe dans son ensemble, il faudrait deux fois le niveau d’immigration observé dans les années 1990 », faute de quoi l’âge du départ à la retraite devra être repoussé à 75 ans. L’Europe vieillit, l’immigration va la sauver : voilà une parfaite illustration de l’idée que les hommes sont interchangeables quelle que soit leur origine, et que les impératifs économiques doivent primer sur tous les autres. La morale des « droits de l’homme » n’est qu’un habillage des intérêts financiers.

    Précisément, il y a aussi l’aspect démographique. Vous connaissez ces mots de l’ancien président algérien Houari Boumédiène, que les gens de droite ne se lassent pas de citer : « Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère sud pour aller dans l’hémisphère nord. Et ils n’iront pas là-bas en tant qu’amis parce qu’ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront avec leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire. » Grand Remplacement ?

    Selon les uns, Boumédiène aurait tenu ces propos en février 1974 au 2e sommet islamique de Lahore, au Pakistan ; selon les autres, le 10 avril 1974 à la tribune de l’ONU. Cette incertitude est déjà révélatrice, d’autant que le texte intégral de ce prétendu discours n’a jamais été produit par personne. Houari Boumédiène, qui n’était pas un imbécile, savait par ailleurs très bien que le Proche-Orient se situe dans l’hémisphère nord, et non dans l’hémisphère sud ! Il y a donc de très bonnes chances pour qu’il s’agisse d’un texte apocryphe.

    En ce domaine, il est plus sûr d’écouter les démographes. La population du continent africain a bondi de 100 millions d’habitants en 1900 à plus d’un milliard aujourd’hui. Dans les années 2050, soit dans trente-cinq ans seulement, les Africains seront entre deux et trois milliards ; ils dépasseront les quatre milliards à la fin du siècle. Même si les rapports démographiques ne se ramènent pas à un simple phénomène de vases communicants, il faut être naïf pour imaginer que cette prodigieuse croissance démographique, que nous avons nous-mêmes favorisée, n’aura pas d’incidence sur les migrations futures. Comme l’écrit Bernard Lugan, « comment espérer que les migrants cesseront de se ruer vers un “paradis” européen non défendu et peuplé de vieillards ? » Grand Remplacement ? Personnellement, je parlerais plutôt de Grande Transformation. Le Grand Remplacement, à mon avis, ce sera le remplacement de l’homme par la machine, en clair la substitution de l’intelligence artificielle à l’intelligence humaine. Un danger plus réel qu’on ne le croit.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 9 septembre 2015)

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  • Lutte contre le terrorisme islamique : une guerre de civilisation ?...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré aux déclarations claironnantes et incohérentes de Manuel Valls sur la guerre de civilisation...

     

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    « Choc des “civilisations” ? Entre grande farce et immense malentendu… »

    À propos de la lutte contre le terrorisme islamiste, Manuel Valls évoquait récemment un « choc de civilisations ». Que voulait-il dire par là ? Le Premier ministre serait-il devenu un disciple de Samuel Huntington ?

    Le 28 juin, sur France Inter, Manuel Valls a en effet déclaré que la lutte contre le terrorisme islamiste correspond à une « guerre de civilisation ». Civilisation au singulier ou au pluriel ? Il y a en fait trois hypothèses. La première est qu’aux yeux du Premier ministre, l’État islamique représente une « civilisation ». Écartons-la d’emblée, tant elle est absurde. Deuxième hypothèse : Valls s’aligne en effet sur Huntington. Dans son livre paru en 1996, où il prenait acte de l’effondrement du système soviétique, celui-ci soutenait que les guerres à venir ne seraient plus idéologiques comme à l’époque de la guerre froide, mais religieuses comme au temps des croisades. Ce serait des guerres entre grandes « aires culturelles ».

    Comme vous le savez, les critiques contre cette thèse n’ont pas cessé de s’accumuler. En ramenant les conflits actuels à des enjeux culturels et religieux, elle fait bon marché de leurs dimensions économiques et politiques. En traitant les civilisations comme des « blocs », elle oblitère les divergences d’intérêt entre les Européens et les Américains, tout comme elle dissimule l’opposition entre chiites et sunnites, qui seule permet de comprendre ce qui se passe actuellement au Proche-Orient. Elle nourrit en fait une vision binaire que les néoconservateurs américains se sont empressés de reprendre à leur compte, et que George Bush n’a pas hésité à alléguer pour faire la guerre en Irak. Mais en ce cas, comment Manuel Valls peut-il prétendre en même temps qu’il ne prône « nullement une guerre entre l’islam et l’Occident » ? Et comment peut-il dire qu’il veut en finir avec le djihadisme alors que son gouvernement vend des armes à l’Arabie saoudite et au Qatar, qui le subventionnent dans le monde entier ? Incohérence ?

    Reste la troisième hypothèse. C’est celle que l’entourage du Premier ministre s’est efforcé d’accréditer : « Ce n’est pas une guerre de civilisations au pluriel. C’est une guerre entre la civilisation humaine et la barbarie », a ainsi déclaré Bernard Cazeneuve. La « civilisation » renverrait à des « valeurs universelles partagées par tout le monde ». Le problème, c’est qu’il n’y a pas de « civilisation humaine », et que les valeurs « universellement partagées » sont tout aussi mythiques. On tombe alors de Charybde en Scylla.

    Pourquoi cela ?

    Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la « civilisation » est un terme qui appartient au vocabulaire des temps modernes : on n’en trouve aucune trace dans l’Antiquité ni au Moyen Âge. Et c’est un terme fortement ethnocentré. C’est ce que constatait Jacques Bainville quand il écrivait : « Le mot de civilisation, dont nos ancêtres se passaient fort bien, peut-être parce qu’ils avaient la chose, s’est répandu au XIXe siècle sous l’influence d’idées nouvelles. La conception du progrès indéfini, apparue dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, concourut à convaincre l’espèce humaine qu’elle était entrée dans une ère nouvelle, celle de la civilisation absolue […] La civilisation, c’était donc le degré de développement et de perfectionnement auquel les nations européennes étaient parvenues au XIXe siècle […] La civilisation, c’était en somme l’Europe elle-même, c’était un brevet que se décernait le monde européen. » C’est au nom de cette civilisation-là que l’Occident, au cours de son histoire, n’a cessé de vouloir convertir le reste du monde à ses valeurs propres, en les posant à tort comme « universelles », ce qui revenait à considérer que toutes les autres cultures du monde n’étaient qu’inculture, arriération ou barbarie.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 16 août 2015)

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